Trois réactions du secteur des captives devant la réforme fiscale
À la même période l’an dernier, les gestionnaires de captives et conseillers surveillaient étroitement les progrès de la réforme fiscale la plus complète des trente dernières années. On anticipait que les taux d’imposition diminueraient de manière drastique, mais on ne connaissait pas encore l’ampleur de la réduction. Quels autres changements seraient apportés et comment affecteraient-ils les programmes de captives? Le 22 décembre 2017, après des mois d’anticipation et de multiples versions du projet de loi adoptées à la Chambre des représentants et au Sénat, la Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) a été adoptée et le secteur des captives a commencé à en évaluer les répercussions. Depuis ce temps, un nombre innombrable d’articles, de livres blancs, de webinaires et de séminaires ont été consacrés à analyser les nouvelles modifications fiscales et à déterminer ce qu’elles signifient exactement et comment elles toucheront les propriétaires de captives. En revanche, on a très peu fait état de la façon dont le secteur des captives a réagi.
Recentrage sur le risque
Le changement le plus important est le nouveau taux d’imposition marginal des entreprises de 21 % (en sus des impôts de l'État), qui représente une réduction substantielle par rapport au taux maximal de 35 %. Avec la baisse du taux d’imposition marginal, l’avantage économique des déductions accélérées aux fins de l'impôt procuré par les captives diminue de façon proportionnelle. Même si la création d’une captive ne doit jamais être fondée uniquement sur les avantages fiscaux, on craignait que la diminution de cet avantage entraîne une réduction importante dans la création de captives.
Toutefois, jusqu’à présent en 2018, rien n'indique que ce soit le cas. En fait, on observe un changement d'orientation perceptible des avantages fiscaux à la gestion des risques; les propriétaires éventuels de captives se concentrent sur la façon dont une captive peut réduire le coût économique du risque en assumant les garanties dont le coût est trop élevé ou de celles qui ne sont pas disponibles auprès d’assureurs commerciaux. Non seulement est-ce préférable d’après l’IRS, mais cela l’est aussi pour la santé et la longévité de la captive d’une organisation.
Les captives en tant que centre de profit
Comme mentionné, avec un taux d’imposition inférieur, certaines organisations ont trouvé que les économies réalisées en assurant certaines garanties dans une captive ne tenaient plus. La prime ne serait tout simplement pas suffisante pour générer les économies nécessaires pour compenser les coûts frictionnels associés à la propriété d’une captive. La réduction des primes dans une captive signifiait que des fonds propres et un excédent inférieurs seraient générés. Cet excédent aurait pu être utilisé pour financer des risques additionnels ou des initiatives axées sur le risque, fournir un revenu de placement, ou transférer des fonds à la société mère.
Avec cette évidence, l’intérêt des propriétaires de captives actuels et éventuels à examiner la valeur de l’utilisation d’une captive en tant que centre de profit en assurant les risques des tierces parties a été l'objet de davantage d'attention. Maintenant que le revenu est imposé à un taux d’imposition fédéral plus bas, les captives peuvent conserver une plus grande partie de leurs profits provenant des souscriptions liées aux avantages sociaux des employés, principalement des avantages sociaux facultatifs comme l’assurance maladies graves, l’assurance contre les accidents et l’assurance juridique. Habituellement, ces types d’avantages sociaux facultatifs sont entièrement payés par l’employé et présentent des taux de risque et de perte beaucoup plus bas que les autres types de couverture. En réassurant ces garanties dans une captive, une organisation est en mesure d’offrir à ses employés des régimes d’avantages sociaux améliorés à un coût égal ou inférieur, tout en récupérant une grande partie des profits qui iraient normalement à l’assureur de façade.
Dans le même ordre d’idées, il y a eu une hausse de l’activité par les propriétaires de captives à examiner la valeur de réassurer les garanties étendues. À l’instar des avantages sociaux facultatifs mentionnés ci-dessus, elles représentent généralement une gamme très rentable des assurances de tiers. La plupart des organisations utilisent un assureur tiers qui verse une commission pour chaque garantie vendue ou offre une entente de partage des profits. Toutefois, les captives veulent maintenant participer à ces risques. En vertu d’un accord de quote-part, la captive peut réassurer une partie de la garantie et recueillir une partie des profits (le cas échéant) qui iraient normalement aux assureurs, créant ainsi un excédent intéressant dans la captive.
Réponse à la Base Erosion Anti-Abuse Tax (BEAT)
Outre la réduction du taux d’imposition marginal, la taxe BEAT est un autre changement majeur apporté par la TCJA qui a suscité des préoccupations chez bien des propriétaires de captives. En bref, la BEAT impose un impôt minimum de remplacement, mais ne s’applique qu’aux sociétés dont la moyenne des revenus annuels est supérieure à 500 millions de dollars et dont le « pourcentage d’érosion de base » est supérieur à 3 % (ou 2 % dans certaines situations où le groupe a un courtier en valeurs mobilières inscrit ou une banque). Le cas échéant, il s’agit effectivement d’un impôt sur tout montant payé ou accumulé par une société à l’égard d’une société parente pour lequel une déduction est autorisée. Cela comprend, entre autres types de paiements, les paiements de primes versées par des contribuables américains à une compagnie d’assurance captive non domiciliée aux États-Unis, les indemnités de sinistre versées par des compagnies d’assurance captive américaines à leurs assurés non américains, ou les primes de réassurance versées à des réassureurs non américains. Ces paiements peuvent être ajoutés à la base d’imposition pour le calcul de la BEAT, même s’ils sont également assujettis à la taxe fédérale d'accise. Un taux d'introduction initial de 5 % s’appliquera pour l’exercice 2018, puis le taux de 10 % s’appliquera jusqu’en 2025. Par la suite, il augmentera à 12,5 % (mais avec des taux supérieurs de 1 % pour les groupes avec une banque ou un courtier en valeurs mobilières).
Bien des propriétaires de captives évaluent leur exposition à la BEAT et si le retour à domicile de leurs captives à l’étranger est nécessaire. L’État du Vermont propose une nouvelle alternative. Moins d’un an après l’adoption de la TCJA, les organismes de réglementation du Vermont ont adopté une loi établissant la compagnie de réassurance affiliée, un nouveau type de captive. Bien qu’aucune compagnie de réassurance affiliée n’ait encore été accréditée, ce nouveau type de captive devrait offrir une alternative aux entreprises américaines qui offrent de la réassurance à une société affiliée à l’étranger et qui peut maintenant être assujettie à la BEAT. Une compagnie de réassurance affiliée sera autorisée à réassurer les risques d’un assureur cédant qui est sa société mère ou affiliée, et à céder les risques assumés à d’autres réassureurs. Cela permettra d’éviter de payer la taxe d’accise de 1 % à 4 % sur les primes payées à des assureurs étrangers.
Bien que toutes les répercussions de la TCJA restent encore à constater et que les orientations de l’IRS soient attendues plus tard cette année [1], des captives démontrent déjà leur polyvalence et leur capacité à réagir au marché et aux changements réglementaires. Les captives peuvent offrir des solutions autres que les programmes de gestion de risques traditionnels, et la dernière année a démontré comment les organisations s’en servent comme outil au centre de leurs programmes de gestion de risques.
_____________________________
[1] À ce jour, l’IRS n’a émis qu’une version préliminaire du formulaire de déclaration BEAT (formulaire 8991), mais on s’attend à ce que des règlements proposés entrent en vigueur cette année, ce qui pourrait notamment offrir certaines règles anti-échappatoires qui devront être surveillées.
_____________________________
Marsh est une des Sociétés Marsh & McLennan, tout comme Guy Carpenter, Mercer et Oliver Wyman.
Le présent document et les recommandations, données d’analyse ou avis offerts par Marsh (collectivement, l’« analyse de Marsh ») ne constituent pas des conseils sur une situation personnelle et ne doivent pas servir de fondement en ce sens. Les renseignements figurant aux présentes sont fondés sur des sources que nous jugeons fiables, mais nous ne formulons aucune déclaration ni garantie quant à leur exactitude. Marsh n’a aucune obligation de mettre à jour son analyse et n’a à votre égard ou à l’égard de quiconque aucune responsabilité qui découlerait de la présente publication ou d’une question contenue aux présentes. Les énoncés concernant des questions d’ordre actuariel, fiscal, comptable ou juridique sont fondés uniquement sur notre expérience en tant que courtiers d’assurance et de consultants en prévention des sinistres et ne doivent pas être considérés comme étant des conseils de cet ordre, conseils que vous devriez obtenir auprès de vos propres conseillers professionnels spécialisés dans ces domaines. Les modélisations, les données d’analyse ou les projections de tous genres sont soumises à des facteurs d’incertitude inhérente, et l’analyse de Marsh est susceptible d’être modifiée de façon substantielle si les hypothèses, les conditions, les renseignements ou les facteurs sur lesquels elle est fondée sont inexacts ou incomplets ou s’ils venaient à changer. Marsh ne formule aucune assertion ou garantie en ce qui concerne l’application du libellé de polices ou la situation financière ou la solvabilité d’assureurs ou de réassureurs. Marsh ne donne aucune garantie quant à l’offre, au coût ou aux conditions et dispositions de la garantie d’assurance. Bien que Marsh puisse donner des conseils et faire des recommandations à cet égard, toutes les décisions relatives au montant, au type ou aux conditions d’une garantie relèvent en dernier ressort de la responsabilité de la personne qui souscrit l’assurance, qui doit décider de la garantie pertinente pour sa situation particulière et sa situation financière.