Cartographie des risques politiques 2021 : la reprise à la suite de la pandémie complique les risques pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord
La poursuite des conflits, la baisse des prix du pétrole, la faible gouvernance et la lenteur de la réponse à la pandémie laissent présager des années de reprise pour les pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. L’effondrement de la demande d’énergie et l’effet correspondant sur les prix du pétrole posent de sérieux défis aux gouvernements de la région. Des économies comme l’Irak comptent beaucoup sur le pétrole pour financer tous les aspects du gouvernement, et la possibilité d’une augmentation de la pauvreté est une menace réelle si les prix du pétrole continuent de chuter.
La faiblesse des prix du pétrole aura des effets néfastes sur la dynamique de la dette publique et la croissance économique dans tous les pays exportateurs de pétrole, mais les conséquences ne sont pas les mêmes pour les six États du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Deux d’entre eux en particulier risquent de connaître des difficultés : Bahreïn et Oman. Le seuil de rentabilité pour l’Arabie saoudite est de 76 $ US le baril de pétrole, mais il est de 87 $ US pour Oman. Avec moins de soutien de la part du Golfe, l’Égypte, la Jordanie et le Liban devraient devenir de plus en plus instables en raison du mécontentement de leurs bases politiques.
Les différents pays ont réagi à la pandémie en adoptant des règles plus ou moins autoritaires, mais aucune réaction majeure n’a été observée. La plupart des pays s’en sont bien sortis durant l’été, mais ont du mal à affronter une deuxième vague de COVID-19. Les états du CCG sont ceux qui résistent le mieux à la pandémie. Ces pays ont des systèmes de santé bien financés, des règles autoritaires et d’importantes réserves de liquidités, du moins à court terme.
Avec la réduction des flux de fonds provenant du pétrole, les pays du Golfe – principalement l’Arabie saoudite – sont susceptibles de réduire leur sécurité et leur soutien financier à des pays comme le Liban, l’Égypte et la Jordanie, ce qui peut entraîner des appels à l’action de plus en plus forts en matière de sécurité et d’occasions d’emploi. Israël et ses voisins sont susceptibles d’accroître leur coopération, mais le conflit entre l’Arabie saoudite et l’Iran pourrait s’aggraver encore. L’Égypte pourrait intensifier le conflit avec ses voisins sur la question de la couverture en eau du Nil, et d’autres pays pourraient voir les droits relatifs à l’eau comme une source de conflit.
Le cadre économique et la géopolitique de l’Afrique du Nord seront fortement influencés par la course visant à établir des corridors commerciaux entre l’Afrique et l’Europe, alors que cette dernière oriente ses importations de marchandises vers des sources plus éloignées. La Chine, la Russie, la Turquie et les États arabes du Golfe joueront un rôle de plus en plus important dans le développement de projets d’infrastructure visant à créer ces corridors économiques en Afrique du Nord et au-delà. Le leadership de l’Union européenne jouera également un rôle clé pour déterminer l’étendue de l’influence mondiale de ces nouvelles initiatives.
Au cours de la dernière année, la Chine est devenue le principal partenaire commercial de l’Afrique. La Russie et la Turquie, quant à elles, ont étendu leurs échanges à des niveaux cinq et sept fois supérieurs à ceux de l’UE, respectivement. Les États arables du Golfe sont également devenus des acteurs importants en Afrique, tirant parti d’un patrimoine culturel commun avec leurs homologues nord-africains. Grâce à la proximité de l’Afrique du Nord avec les rives sud de la Méditerranée, l’augmentation des flux de marchandises, de ressources, d’énergie et de capitaux devrait se concrétiser à moyen terme. Au cours de la prochaine année, le Maghreb continuera de servir d’arène à une concurrence mondiale intense, étant donné qu’il se situe au carrefour de routes de transit commerciales et énergétiques vitales, ainsi que de chaînes de valeur de fabrication industrielle, qui relient l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient.
Égypte
Après des années de stabilité économique et d’expansion, l’Égypte fait face à un ralentissement de la croissance du PIB en 2021, qui passera de 3,6 % à 2,3 %, car les effets à long terme de la pandémie persistent. L’Égypte n’est pas confrontée aux mêmes défis que les autres États africains qui ont été fortement touchés par la baisse des prix du pétrole, puisque le pays est un importateur net. Cela représente donc une occasion pour l’Égypte de réaliser des économies sur diverses importations de marchandises. Toutefois, l’économie égyptienne est fortement malmenée dans le secteur du tourisme. Les mêmes restrictions ont également un effet négatif considérable sur les exportations de la région et les revenus du canal de Suez.
Les réserves budgétaires de l’Égypte ont connu une baisse marquée depuis février 2020, en raison des flux de capitaux nécessaires pour minimiser les répercussions de la pandémie et du plan de relance économique de 100 millions de livres égyptiennes déployé par la Banque centrale d’Égypte. Cela a incité l’Égypte à lever d’autres dettes auprès de sources extérieures. En 2020, les prêts commerciaux consentis par les banques locales et des organisations multilatérales ont largement dépassé ceux de nombreux concurrents voisins sur le continent, le risque souverain égyptien s’avérant être l’une des couvertures de crédit les plus recherchées sur le marché de l’assurance crédit pour le quatrième trimestre. Le risque de crédit souverain de l’Égypte reste relativement élevé à 6,1. Cela se reflète dans sa cote B stable, qui a été réaffirmée en 2020, et attirera sans aucun doute l’attention des prêteurs souverains externes.
L’Égypte est sur le point de devenir un important exportateur d’énergie à l’échelle régionale, ce qui pourrait reconfigurer les moyens de connectivité énergétique entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Simultanément, l’Égypte est au cœur du transport commercial pour les pays d’Afrique de l’Est et de la Méditerranée orientale. Si l’on ajoute à cela la plus grande connectivité ferroviaire prévue entre l’Égypte et le Soudan, un nouveau corridor commercial nord-sud reliant les pays du Nil blanc est de plus en plus susceptible de se concrétiser. Un prolongement sud du corridor économique, atteignant la Tanzanie et d’autres pays d’Afrique de l’Est qui se rejoignent dans le bassin du lac Victoria, signifie que la toute jeune Fédération d’Afrique de l’Est (une union politique du Burundi, du Kenya, du Rwanda, du Soudan du Sud, de la Tanzanie et de l’Ouganda) a de fortes chances de profiter aussi de nombreux avantages fiscaux. Dans cette optique, l’Égypte continuera probablement de transférer le transport commercial de la route au rail.
Le gouvernement égyptien est susceptible de maintenir de solides relations avec Israël afin de consolider les ambitions communes visant à contenir les insurrections dans la péninsule du Sinaï. Le couplage économique avec Israël tout en complétant les États du Golfe signifie également qu’une guerre avec Israël est très peu probable à moyen ou long terme. L’aide militaire à la Libye est susceptible de se poursuivre, car elle servira d’autre moyen de neutraliser la menace que représente l’État islamique. Cela permettra de tester amplement les ressources de l’armée égyptienne, car sans le soutien militaire turc en Libye, l’armée serait mise à rude épreuve en raison des engagements militaires préexistants dans le Sinaï.